La prévention et la lutte contre la fraude et la corruption font l’objet d’une science dite « forensic ». A ce terme, sont souvent accolés plusieurs vocables, selon les cas : forensic accounting, forensic fraud cases, forensic fraud examiners, forensic investigation, avec des traductions souvent inélégantes en français. Il y a également tous ces nouveaux modèles d’analyse introduits par COSO, IIA, Sarbanes-Oxley, etc. La discipline fait aussi l’objet de techniques très formalisées que le digital, le Big data, le « mobile » et l’informatique ont sensiblement améliorées. Elle est enseignée par plusieurs universités et organismes chargés de délivrer des certifications et des diplômes de type « Bachelors et masters ». Un exemple est cette formation dispensée par John Jay Of Criminal Justice en rapport avec l’Association des Inspecteurs généraux des Etats Unis. Au plan conceptuel, certains académiciens d’Amérique du nord ont élargi le concept et traitent du quatuor « fraudes, abus, gaspillages et corruptions ». La discipline a ses doctrines, son langage et son vocabulaire, ses techniques et sa technologie, ces certificateurs et certifiés ; elle englobe aujourd’hui tout un cœur de métiers. Elle s’est professionnalisée… En outre, le sujet est vaste ; aussi nous nous limiterons dans cette série à provoquer la réflexion de nos lecteurs compte tenu de l’actualité récente de Petro Tim en ramenant nos propos à l’univers politique si négligée dans les milieux académiques et au niveau des spécialistes certifiés de la fraude.
Qui sont ces gens qui détournement, siphonnent, écrèment, et « contrefaçonnent », pour employer quelques mots de la discipline ?
A l’évidence, la question est plus complexe. Elle n’est pas simplement juridique, elle est aussi technique, morale, éthique, civique, disons-le, politique. C’est évident, on ne doute plus que la politique politicienne est le terreau d’une destruction de valeurs et de richesses, un milieu « corruptogène » dans les conditions actuelles de son fonctionnement et de la qualité du leadership qui aurait pu ou dû y mettre fin ou éventuellement contenir un tel fléau.
Pour contribuer à ce débat, nous tentons ici d’inventorier l’état des doctrines en la matière pour informer, participer à l’éducation, à la sensibilisation. En effet, il existe plusieurs doctrines, notamment suivantes :
Le triangle de la fraude de Donal R. Cressey qui met en relief trois pôles d’un triangle constitué par le triptyque « Pressions – Opportunités – Rationalisation » ;
Le Diamant de la Fraude qui corrige quelque ce premier modèle en introduisant les pôles capacité et incitations;
Le Modèle Simplifié du Crime Rationnel/Rationalisé (Simple Model of Rational Crime- SMORC) qui démontre comment les gens fraudent en rationalisant ;
Le modèle « Monnaie, Idéologie, Coercition, EGO (MICE) » qui introduit des éléments intéressants tels que les convictions idéologiques, l’égo, la monnaie, etc. ;
Le « Fudge Factors » de Dan Arieli qui évoque l’idée d’un facteur arbitraire qui peut amener à renoncer à frauder par une sorte de voix intérieure, de conscience intérieure.
Dans une certaine mesure, ces doctrines se recoupent chacune pouvant aider à formaliser des stratégies, des politiques et des outils de prévention, de détection, de dissuasion des fraudes, des abus et des gaspillages et de lutte contre la corruption que les lecteurs pourraient trouver dans d’autres publications, modules ou manuels.
Pour plus de clarté, nous avons finalement préféré traiter la question doctrine par doctrine pour en épuiser toutes les facettes et permettre au lecteur qui n’est pas forcément un spécialiste d’appréhender les multiples enjeux qui prévalent derrière les fraudes, les abus et les gaspillages dans une perspective forensic, mais au-delà de prendre conscience du rôle de chacun d’entre nous et du risque que ce fléau fait peser sur le développement et la société
Prochain article : Pressions, opportunités, rationalisations au cœur de la fraude ou la doctrine du Triangle de Fraude. Nous verrons comment l’exercice de pressions, l’existence d’opportunités et la rationalisations et les justifications sont au coeur de la fraude dans les organisations, surtout dans le milieu politique…
Abdou Karim GUEYE, Inspecteur général d’Etat à la retraite et aussi un ancien Directeur général de l’Ecole Nationale d’Administration et de Magistrature du Sénégal. M. GUEYE a été associé à plusieurs expériences en matière de fraudes, de lutte anti-corruption et d’investigation, en sa qualité de Secrétaire exécutif du Forum des Inspections générales d’Etat d’Afrique et Institutions similaires pendant 7 ans, d’ancien membre de Sarbanes-Oxley Association. Il est aussi membre de l’Association des Inspecteurs généraux des Etats Unis à titre étranger, Membre associé de Certified Fraud Examiners (ACFE) et Certifié en Forensic Accounting and Fraud Examination West Virgina University. Il plaide et enseigne les réformes requises dans ces domaines et a publié plusieurs textes à cet égard. En outre, il Conseiller en gouvernance publique du Président Abdou Mbaye de l’Alliance pour la Citoyenneté et le Travail.
Pour se perfectionner:
1 commentaire